Séance Publique du 20 octobre 2021 : Rapport N°3 – Rapport sur les orientations budgétaires 2022

Intervention Audrey GARINO

Madame la Présidente,

Monsieur le rapporteur du budget,

Cher.e.s Collègues,

Le débat d’orientations budgétaires est un moment fort de la vie d’une institution. Il doit permettre de présenter et de discuter des principaux projets de la collectivité pour l’année à venir, de dégager des priorités d’intervention, de déterminer les moyens nécessaires à leur mise en œuvre.

Le contexte très particulier de cette année ne pouvait qu’accentuer notre attente et attiser notre curiosité.

Comment notre institution, confrontée au défi majeur d’apporter des réponses adaptées aux conséquences d’une crise sanitaire et sociale sans précédent, allait-elle s’engager ?

Quel serait son plan d’actions pour mieux répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens les plus vulnérables qui ont vu leurs situations, déjà fragiles, encore se dégrader ?

Le Collectif Alerte Paca, constitué des principales associations de solidarité de notre territoire, a récemment alerté les pouvoirs publics sur les conséquences de l’épidémie de Covid 19 pour les plus fragiles. Le rapport, très étayé, souligne, en particulier, l’explosion des besoins d’aide alimentaire, le difficile accès aux droits et notamment aux soins pour les plus démunis, la prégnance des problématiques d’hébergement et de logement. Comment le Département, chef de file des politiques d’action sociale, s’empare-t-il de ce diagnostic et quelles actions nouvelles va-t-il développer pour répondre aux enjeux d’un territoire plus juste et plus solidaire ? Je crois que c’est de ce postulat que doivent partir les choix que nous avons à faire !

Et, au-delà du champ de la solidarité qui représente près des deux tiers des dépenses de fonctionnement de notre institution, quels seront, en 2022, les projets innovants du Département pour répondre aux attentes de nos villes, de nos territoires et de nos concitoyens dans les domaines de l’Education, des déplacements, du développement économique, de la culture ou de l’environnement ?

Je constate qu’à ces questions, le rapport d’orientations budgétaires qui nous est présenté aujourd’hui offre peu de réponses.

Il ressort de ce document, très technique, une absence de souffle et de volontarisme qui nous semble complétement déconnecté des enjeux et des urgences posées par la situation.

Sur le plan comptable, les indicateurs traduisent, sans surprise, l’impact de la crise sanitaire pour les finances de notre collectivité. Il convient cependant de constater que l’effondrement de l’épargne brute du Département pour l’année 2020 est très largement supérieur à la moyenne nationale (- 38,6% contre – 14,2%) et que ce recul a été amorcé dès 2017.

Plusieurs raisons à cela évidemment, certaines éminemment conjoncturelles et nul ici n’est en mesure de contester l’impact de la crise du Covid sur les finances publiques, mais d’autres plus structurelles, je pense entre autres à l’explosion de la dette de notre collectivité (+316% en 7 ans) qui vient impacter gravement nos finances et notre capacité à porter à un haut niveau d’investissement au service du développement du territoire, en particulier en matière de solidarité.

Une autre des raisons de cette diminution sensible de nos marges de manœuvre réside dans la baisse continue des dotations de l’Etat. La DGF est ainsi passée de 375 millions d’euros en 2015 à 297 millions d’euros en 2021. Ce phénomène ne peut pas être vécu comme une fatalité.

Le département est la collectivité de première ligne pour faire face aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire qui impactent plusieurs centaines de milliers d’habitants de Bouches-du-Rhône.

Il est impératif de dépasser les dogmes de l’austérité pour répondre aux urgences, l’heure est à la mobilisation du service public partout où les besoins existent et pour cela il faut que les collectivités puissent faire face à l’accroissement des demandes. La bonne gestion des finances publiques n’est ni de gauche ni de droite, elle est celle qui est au service de l’intérêt général. Lors de la séance du mois de juillet 2021 l’assemblée Départementale avait voté à l’unanimité une motion proposée par notre groupe pour demander la création d’un fonds d’urgence national ainsi qu’un renforcement de la dotation globale de fonctionnement. Nous n’avons me semble-t-il aucune réponse à ce jour sur le sujet.

Aussi, et comme nous l’avons déjà fait lors de la précédente mandature, nous sollicitons, Madame la Présidente, la mise en œuvre d’une action concertée des élus de notre assemblée afin d’interpeller le gouvernement sur cette situation intolérable qui affaiblit nos politiques publiques.

De fait, les dépenses de fonctionnement pour l’année 2022 ne devraient connaître qu’une croissance limitée (1%), très loin des exigences de la situation et des moyens nécessaires à la réalisation de politiques publiques ambitieuses.

En matière de solidarité, vous prévoyez (page 19) et je cite « une hausse de la précarité et la pauvreté au niveau local qui pourrait davantage se ressentir à partir de 2022 sur les dispositifs départementaux ». Mais les dépenses de fonctionnement dans ce domaine ne devraient croitre que de 2% alors que les dépenses d’investissement sont-elles réduites de 12%. Quel écart entre le constat et les actes !

D’autant que les dépenses de fonctionnement de la solidarité verront uniquement les budgets dédiés aux personnes âgées ou handicapées augmenter, croissance dont nous ne pouvons que nous satisfaire car largement impactés par l’augmentation de l’APA et de la probable mise en place d’un tarif horaire minimal de l’APA à 22 euros, revendication que nous défendons depuis de longues années. Je ne vous rappelle pas les nombreuses interventions de Monsieur Frau.

Mais la conséquence c’est que malgré vos propres prévisions d’aggravation de la précarité sur le territoire, l’ensemble des autres champs (lutte contre la pauvreté, insertion, pmi, enfance…) vont eux voir leur budget baisser !

Certes le nombre d’allocataires du RSA a diminué ces derniers mois à la faveur d’une légère reprise économique, mais l’ensemble des indicateurs, et notamment ceux ayant trait à la réponse aux besoins fondamentaux, sont aujourd’hui au rouge.

L’enquête annuelle sur la pauvreté en France réalisée par le Secours Populaire ou les constats posés par le 2ème rapport du collectif Alerte Paca plus localement annoncent des chiffres qui appellent à une réponse d’ampleur de la part des institutions et en premier lieu de celle du chef de file en matière d’action sociale.

Des chiffres qui disent la faim, qui disent le renoncement aux soins, aux droits, qui disent l’habitat indigne, le sans-abrisme.

Les premières orientations en matière de solidarité ne traduisent pas ces constats, elles ne prennent pas la mesure des urgences auxquelles nous devrons tous collectivement faire face dans les mois et années à venir.

Et les conséquences de ces choix nous les connaissons. Des dispositifs de protection de l’enfance saturés faute d’une offre d’hébergement adaptée. Des mesures d’AEMO qui peuvent parfois attendre 6 mois après l’ordonnance du Juge des Enfants pour être mises en œuvre. Une politique d’accompagnement des allocataires du RSA qui s’est vidée de sa dimension sociale. Des aides aux plus démunis qui sont progressivement rabotées (aides aux transports, régies financières des MDS) quand elles ne sont pas supprimées (primes de Noël).

Une évolution notable cependant et je m’en félicite : vous mentionnez les Mineurs Non Accompagnés parmi les populations fragiles qui bénéficieront du soutien prioritaire du Département (page 19).

Après des rapports accablants du Défenseur des Droits et la Chambre Régionale des Comptes sur l’absence de pilotage du CD13 dans ce domaine, et son incapacité à aller récupérer les recettes qui en découle, après les multiples condamnations du Tribunal Administratif pour défaut de prise en charge, nous espérons que cette prise de conscience tardive se traduira par des actes. Il s’agit, rappelons-le, d’une compétence obligatoire du Département.

Les autres compétences portées par notre institution sont, et c’est le moins que l’on puisse dire, peu développées dans le rapport d’orientation budgétaire. Quatre lignes simplement page 22 où il est indiqué et je cite : « au sein des autres politiques publiques, le Département s’engage toujours de manière ambitieuse et volontariste en matière d’environnement et de sécurité, de culture et de vie locale d’éducation ou d’aménagement ». Dans les faits, les dépenses de fonctionnements prévues en 2022 seront majoritairement les mêmes que celles votées en 2021.

Au final, ce rapport d’orientations budgétaires témoigne cruellement d’une absence de souffle, d’engagement pour ne pas dire de volonté. Dans un contexte où l’action publique devrait être pleinement mobilisée pour répondre aux conséquences d’une crise sanitaire et sociale d’une ampleur exceptionnelle, nous ne pouvons que le regretter et le contester.

Je vous remercie,

Seul le prononcé fait foi

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