Communiqué de Claude JORDA : Arménie, 24 avril 1915: le devoir de ne pas oublier

A__D7C6“L’humanité ne peut vivre éternellement avec dans la cave le cadavre d’un peuple assassiné.”

Ces mots, prononcés par Jean Jaurès le 3 novembre 1896, condamnaient la mise en cause des droits humains, revendiquaient la survie d’un peuple et l’honneur de l’Europe face au massacre de 20 000 arméniens sur ordre du sultan Abdulamid II, massacre qui installait déjà certains rouages majeurs du processus de destruction qui allait s’opérer contre le peuple arménien par le gouvernement turc en 1909 et 1915.

Ce noir samedi 24 avril 1915, à Constantinople, l’assassinat de 600 notables arméniens était le prélude à ce qui deviendra le premier génocide du XXe siècle. Il va faire environ 1,2 à 1,5 million de victimes dans la population arménienne de l’empire turc, plus de 250 000 dans la minorité assyro-chaldéenne des provinces orientales et 350 000 parmi les riverains de la Mer Noire, orthodoxes hellénophones de la province du Pont.

Ainsi près de deux millions de personnes – de tous âges et de toutes conditions- perdront la vie, victimes de la barbarie, tandis que des dizaines de milliers d’autres seront contraintes à l’exil.

Les élus au département du groupe communiste et partenaires s’attachent chaque année à commémorer cet événement aux côtés des Français.es d’origine arménienne pour que cette histoire, si longtemps occultée par les puissances occidentales et niée par l’état Turc reste présente à nos mémoires.

Mémoires d’autant plus indispensables que les souffrances subies par le peuple arménien au cours du XXème siècle et en ce début du XXI ème ont été répliquées à de trop nombreuses reprises. Le génocide juif et tsigane de la seconde guerre, le massacre de Tutsi au Rwanda (800 000 morts en 3 mois!), l’épuration ethnique en ex-Yougoslavie, la chasse aux Rohingyas en Birmanie… nous rappellent que les leçons de l’Histoire n’ont pas fait progresser la conscience humaine. Le procès de Nuremberg qui définissait le crime contre l’humanité et l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1948 établissant le crime de génocide avaient contribué à mettre la communauté internationale face à ses responsabilités.

Pourtant, plus de 100 ans après, de nombreux pays ne reconnaissent pas les crimes commis contre les Arméniens. Et ce refus est lourd de conséquence : d’abord pour ceux qui ont vécu ces horreurs et aujourd’hui leurs descendants, ensuite parce qu’il peut aussi justifier la négation de tous les autres crimes contre les peuples.

Quand le président turc Erdogan nie la réalité de ce fait historique, quand il fait poursuivre par sa justice les députés du Parti Démocratique des peuples (HDP) qui eux condamnent le négationnisme de ce crime, quand il fait bombarder à Afrin les combattants kurdes qui luttent contre Daech, ce triste personnage continue l’oeuvre génocidaire de ses aînés.

“Assez de cadavres de peuples assassinés dans nos caves…”

La morale démocratique doit imposer le combat contre la tyrannie où qu’elle soit. La négation et le déni ne peuvent ni aider au dialogue, ni restaurer la justice, ni bâtir la paix. Le clivage n’est pas entre le peuple turc et le peuple arménien, ni entre les peuples du monde entier mais bien entre la démocratie et le négationnisme associé à l’absolutisme.

A l’heure où la montée des périls doit nous alerter, où les haines religieuses ou ethniques sont attisées par des incendiaires un peu partout dans le monde, où, ici même dans la France dite des Droits de l’Homme, des appels à la haine trouvent un écho et restent impunis, commémorer le génocide Arménien comme emblématique de tous ceux qui suivront, ce n’est pas seulement se rappeler le passé, c’est appeler à la vigilance pour aujourd’hui.

23 avril 2018.

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