J’ai été reçu ce jour par la mission mandatée par le gouvernement pour évaluer l’impact de la fermeture de la centrale thermique de Gardanne.
Je m’étonne d’abord qu’avant d’examiner -comme je le demande depuis des années – comment bâtir des solutions alternatives alliant pérennisation de la production, protection de l’emploi et de l’environnement, on se place d’emblée dans la perspective de la fermeture. C’est ne prendre la question de la transition énergétique que par un petit bout. Or, il faut en la matière ne pas s’en tenir à des postures mais bien partir de la réalité.
Les sources d’énergies carbonées sont productrices de gaz à effet de serre qui contribue au réchauffement climatique contre lequel il faut lutter. Chacun est conscient de cette donnée.
Comme le rappelait un collectif de chercheurs de l’Académie des Sciences en 2017*:« La solution énergétique adaptée à chaque pays dépend de ses contraintes géographiques et climatiques.[..] De sorte qu’il n’existe aucun pays qui, en l’absence de solution de stockage répondant à la variabilité de ces productions renouvelables, recourt significativement à ces dernières sans faire appel à des productions mobilisables et pilotables (centrales thermiques, nucléaire) »
J’ai rappelé qu’en France les émissions de gaz à effet de serre sont donc très majoritairement dues aux transports et au chauffage, sujets auxquels on s’attaque très peu, Monsieur Macron étant l’un des promoteurs du transport routier par car, au détriment du train(!). De même les bateaux de croisière qui se succèdent dans le port de Marseille créent bien plus de nuisances que la centrale avec leurs rejets. Quand abordera-t-on sérieusement ces questions?
Oui il faut travailler à une vraie TRANSITION énergétique dans le cadre d’un MIX ENERGETIQUE. Cela signifie en clair que ce n’est pas en fermant des centrales thermiques que l’on règlera le moins du monde la question.
Avec la fermeture de la centrale de Gardanne plusieurs questions sont en jeu:
– Bien sûr d’abord celle de la sécurité électrique du Sud-Est très consommateur d’électricité et très fragile en matière d’approvisionnement (un black-out de la région de Nice s’est déjà produit il pourrait se reproduire à une bien plus grande échelle en cas de grand froid ou de canicule). Question d’autant plus cruciale que les entreprises liées aux nouvelles technologies sont de plus en plus consommatrices et exigeantes sur la qualité et la fiabilité de la fourniture électrique.
– Avec la centrale ce sont environ 1000 emplois induits et indirects qui sont en jeu, les salarié.e.s du site eux-mêmes, les sous-traitants et fournisseurs, en passant par les dockers, les transporteurs…
– Le risque de devoir recourir à des achats massifs d’électricité étrangère produite dans des conditions que nous ne maîtrisons pas (par le charbon en Allemagne par exemple), affaiblissant encore l’indépendance énergétique du pays.
Ainsi je reformule mes propositions:
-Travailler à une vraie transition énergétique en prenant en compte tous les paramètres notamment ceux liés aux transports, à l’habitat, à l’industrie, à la production électrique…cela demande du temps et un investissement sérieux de l’Etat et la participation des entreprises dans un effort de recherche inédit à la hauteur des enjeux.
– Maintenir l’utilisation du charbon le temps de bâtir de nouvelles alternatives préservant l’emploi et la production d’électricité sur le site.
– En finir avec le sordide jeu de Monopoly qui conduit à changer d’actionnaire majoritaire tous les 2 ans, rendant toute élaboration d’une stratégie à long terme impossible.
– Créer un pôle public de l’énergie seul à même de conduire au mix énergétique indispensable pour préserver notre environnement et assurer l’indépendance énergétique du pays.
(*http://www.academiesciences.fr/fr/Libres-points-de-vue-d-academiciens/libres-points-de-vue-dacademiciens-sur-l-energie.html le 19 avril 2017)